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QUATRIEME PARTIE

AMBLETEUSE , PORT DE GUERRE ET DU COMMERCIE,ou LA LUTTE CONTRE LA MER.

Pendant plus d'un siècle, Ambleteuse démantelée redevint une paisible bourgade abandonnée et dont le port était devenu la proie des sables.
J'ai trouvé aux archives du Génie de Boulogne la copie, datée du 14 Juin 1689 d'un mémoire qui doit en réalité être de 1639, car les travaux qui y sont préconisés étaient déjà faits en1689, on y lit notamment ceci :
Ambleteuse est située sur les côtes du Boulonnais à deux lieues de Boulogne, à 5 de Calais et 6 ou 7 des côtes d'Angleterre, sa figure est une anse fumée de dunes de deux côtés ; celles du Nord sont couvertes de rochers, celles du sud sont fort préjudiciables en ce que leurs sables, poussés par les vents contribuent beaucoup à combler le port. La petite rivière de Marquise passe dans le dit port dans un espace assez large, sans profondeur. Les vestiges qui paraissent encore dans ce lieu sont les marques certaines qu'il y a eu un port. Les avantages de cet endroit sont de pouvoir rendre la rivière de Marquise navigable pour le transport des denrées, des marbres du pays, de la pierre de Landrethun et de Marquise, avoir de plus une retenue d'eau considérable soit par la mer dans les vives eaux ou par le gonflement de celles du pays, que les 8 principaux vents de la boussole il est naturellement couvert de 6 ; en y faisant les ouvrages proposés, l'on pourra en sortir du même qui sont depuis le Nord .jusqu'au sud. Le pays est assez avantageux pour l'avitaillement des navires à l'exception du vin, à défaut duquel on pourrait servir de bière.
L'eau peut se faire commodément soit à la rivière ou des tonnes qui se peuvent pratiquer des sources qui tombent dans le port. L'air y paraît bon, ce qui se prouve par la santé des vieillards habitants.
Le mémoire proposait différents travaux, notamment la réfection des écluses de La slack et l'établissement d'une écluse dans le port, et concluant
on pourrait pratiquer un bassin capable de contenir une vingtaine de vaisseaux de guerre, qui seraient toujours à flot ; l'on pourrait se servir utilement de la dune pour placer des magasins et autres bâtiments. Le port deviendrait avant-port dans lequel se pourraient mettre les marchands et corsaires, et il est à croire que le nombre de ces derniers serait considérable en temps de guerre eu égard à la situation du lieu.
Vauban parcourant les côtes du littoral du Nord, pour en organiser la défense contre le retour offensif de la Hollande devenue la grande rivale maritime, remarqua Ambleteuse. Il fit creuser le pourtour des anciennes fortifications et constata que celles-ci avaient dû être considérables.
L'UN DES PREMIERS AVANT-PROJETS D'AMENAGEMENT DU PORT,
étudié vers 1680. Il ne fut jamais réalisé, car on dut aboutir, faute d'argent et pour des raisons techniques, à des installations beaucoup plus modestes. L'intérêt de ce plan est que, selon un principe particulièrement cher à Vauban, l'urbanisation comp1ète de 1a place est étudiée en même temps que sa défense pour ne pas gêner le développement économique ultérieur. Dans les réalisations de cette époque qui ont été menées à leur terme, les rues ainsi tracées par Vauban sont restées modernes et fonctionnelles et le resteront encore longtemps : témoin la Rue Royale à Lille.
Le 20 Juillet 1680, Louis XIV passa lui-même à Ambleteuse, visita la rade, écouta le rapport de Vauban et décida qu'on creuserait un vaste port de guerre, on raconte même que, comme le roi sortait d'Ambleteuse à cheval pour se rendre à Calais, une patache Anglaise poursuivit un caique sorti de Boulogne, que toute la cour, du rivage, tira sur l'Anglais, Le Dauphin le premier, et que la patache s'étant échouée, le capitaine en fut pris, mais que le roi lui fit grâce.
Les deux plans, dont l'un malheureusement assez effacé par le temps, et l'autre qui proclame orgueilleusement que quand le port sera achevé il sera un des plus beaux et des plus sûrs d'Europe, indiquent les travaux qui furent alors projetés en exécution des ordres du roi.
C'est le premier de ces deux plans qui fut suivi ces travaux furent exécutés.
Les jetées furent construites ainsi que l'écluse de Slack et celle d'Ambleteuse, celle de Slack subsiste et est toujours remarquable, La maison de l'éclusier dans le style Louis XIV possède du côté de Marquise une délicieuse façade. On retrouve les vestiges de celle d'Ambleteuse au pied de la villa "Sole mio".
Par ailleurs, Vauban fit entourer la vieille tour romaine, déjà fortifiée par les Anglais, d'une enceinte demi-circulaire et l'ouvrage devint le fort Vauban tel que nous le connaissons encore aujourd'hui et qui était resté absolument intact jusqu'à la guerre de 1939/45, pendant laquelle la façade côté mer a été par malheur fort endommagée.
Un rapport du Génie de 1698 rendait compte au Roi des travaux exécutés,
Vauban lui-même daigne s'occuper d'Ambleteuse dans ses mémoires que j'ai pu consulter à la bibliothèque de l'Ecole Royale d'Artillerie de Douai, malheureusement détruite en 1940, Il écrit à la page 100 du tome IV la rivière de Selaque qui tombe à Ambleteuse peut se rendre navigable depuis le port jusqu'à demi lieue ou 3/4 de lieue du chemin de Marquise à Boulogne pour toutes sortes de bélandres. On tirerait par là du marbre de Marquise, des blés et du charbon de terre dont il se ferait grand débit dans le Pays-Bas français et dans toutes les côtes de Picardie, Normandie et Bretagne".
Les plans de1722 et 1736 indiquent la situation après 'exécution des travaux.
Mais l'événement démontrera qu'on ne pouvait réaliser à Ambleteuse ces projets ambitieux, La rade Saint Jean qui la commande est exposée aux vents d'Ouest ; de plus, elle se trouve au Nord du port, et les courants de la marée sont dirigés du Sud-ouest vers le Nord-est en sorte que les vaisseaux pour passer de la rade dans le port avaient à les surmonter. Les sables comblaient le port au fur et à mesure qu'on le creusait. Finalement, en 1688, au moment de la déclaration de guerre entre la France et la Ligue d'Ausbourg, Ambleteuse fut abandonnée.
Le 4 Janvier 1689, un événement assez considérable se produit dans notre pays : Jacques II détrôné par Guillaume d'Orange et emprisonné, s'était sauvé et ayant fait la traversée sur une chaloupe, avait débarqué à Ambleteuse où il fut reconnu et reçu au château du Gouverneur Mr, de CHATEAU-GUILLAUME, Le lendemain, toute la noblesse du Boulonnais vint l'y saluer et il entendit avec elle la messe à la Paroisse, puis il partit pour Boulogne après avoir fait présent à l'Eglise d'un ostensoir d'argent portant ses armes et sa devise, qui y demeurera jusqu'à la révolution.
Au XVIIIème siècle, Ambleteuse demeure abandonné. L'Etat y entretient cependant un ingénieur et un éclusier jusqu'en 1762, Il y avait d'ailleurs une compagnie du Régiment de Wissant qui tenait garnison dans le fort.
Au cours de ce siècle, notre port trouve encore d'ardents défenseurs dans les officiers du Génie de Boulogne.
Un mémoire de 1725 en décrit les avantages :
Ce port est à la même distance que Calais de l'Angleterre ; on y serait à portée de vue de tout ce qui se passe dans le canal et il est incontestable que s'il pouvait recevoir une caserne de guerre, elle y serait portée dans un point lui-même avantageux ; l'anse pourrait servir d'avant-port pour les vaisseaux de guerre et de port pour ceux qui échouent, tels que les bâtiments marchands, les pécheurs et surtout les Corsaires. Le ravin où s'écoule la rivière jusqu'à l'écluse de Slack pourrait devenir un bassin pour tenir les vaisseaux à flot en le creusant, l'élargissant, contournant ses bords sablonneux et,le traversant d'une écluse.
Mais ce même mémoire faisait remarquer les raisons contraires, notamment toujours les vents d'Ouest, l'insuffisance de la profondeur du port, et l'invasion des sables. D'ailleurs, à la suite de ce mémoire, rien ne fut entrepris.
En revenant des Flandres, sur les conseils du Maréchal de Saxe, Louis XV visita le port d'Ambleteuse, et depuis cette époque, les magasins s'appelaient les "Ecuries du Roi", On projeta alors de remettre le port en état.
En1734, un nouveau projet fut établi et à cet effet un nouveau plan, des ouvrages existants fut établi. Mais ce projet n'eut pas non plus de suite, comme le prouvent deux plans qui datent de 1767 et où les jetées sont indiquées comme en ruine.
En 1776, un sieur LE BON adressait au Ministre un nouveau projet dans lequel il se faisait l'avocat enthousiaste du port d'Ambleteuse; il en montrait les avantages à cause de son arrière-pays fertile et abondant en eau potable, de sa situation à proximité de la pointe du Gris Nez d'où tous les mouvements des Anglais pouvaient lui âtre signalés afin que nos vaisseaux puissent arrêter l'ennemi au passage. Il prétendait que le port de Boulogne présentait de graves inconvénients naturels, que s'il y avait déjà une ville à Boulogne, on pouvait en créer une à Ambleteuse, qu'au surplus "les habitants du Bourg ou Basse Ville de Boulogne étaient à la dévotion des Anglais, que les principat les familles qui la dirigeaient et que tout le gros commerce était anglais, qu'enfin, Boulogne avait été abandonné par les Romains pour Ambleteuse et que Vauban ne l'avait trouvée susceptible d'aucune amélioration. cet optimiste soutenait même qu'on pouvait ouvrir un canal direct d'Ambleteuse à Lille. Il concluait "Quelle satisfaction pour Le Monarque d'avoir sous la main le plus beau port de guerre et marchand d'Europe !
En 1783, un nouveau mémoire est encore adressé au Ministre en faveur d'Ambleteuse, On y lit : "le port d'Ambleteuse se trouve situé le plus avantageusement pour devenir l'entrepôt et la clef du commerce entre les nations du Midi et celles du Nord, De toux ceux qui sont placés sur l'Océan, il n'en est aucun qui puisse prouver autant d'avantages et facilités".
L'auteur y voyait déjà les Espagnols relâcher à Ambleteuse plutôt qu'à Ostende pour le commerce avec la Flandre autrichienne, et les exilés de Dantzick s'y réfugier pour le plus grand profit du royaume.
Il souhaitait que les Français et les Anglais demeurassent en paix, Mais il était essentiel de contenir un peuple voisin, jaloux et entreprenant, il soutenait que seul Ambleteuse permettait de le faire et que quelques vaisseaux dans la rade Saint Jean, soutenus par le canon de la plaine supérieure, fermeraient les porte de la Manche aux Anglais et autre peuples, y compris les Russes.
Mais ce projet grandiose n'eut pas plus de suite, hélas ! que les précédents, Et le 24 Primaire an VII, le lieutenant du Génie de Boulogne adressait à la direction d'Arras une proposition de vente d'un bâtiment militaire situé à Ambleteuse et il motivait ainsi sa proposition :
"ce bâtiment à bas étage, vulgairement nommé l'INGENERIE, a été construit en 1710 par ordre du roi pour servir de logement aux ingénieurs qui surveillaient l'exécution des travaux ordonnés au village d'Ambleteuse, dont on voulait faire une ville florissante, et dont le petit port formé par l'embouchure d'un ruisseau devait être transformé en port militaire, différentes causes avaient fait abandonner ce projet." c'était l'enterrement définitif des vastes desseins qui avaient été conçus pour notre commune aux XVII et XVIIIème siècles. Pendant qu'on s'occupait beaucoup du port, la vie du village s'écoulait toujours aussi paisible, Un seul évènement notable s'était produit au XVIIIème siècle : le transfert en grande pompe à Ambleteuse des reliques de Saint Pierre de cantorbery, retrouvées à Boulogne après l'occupation anglaise.
La fontaine avait été longtemps recouverte par les sables, mais, en 1791, une grande tempête la remit à jour pour la grande joie des habitants,

Patache (garde-cote des douanes)

Caique (embarcation longue marchant uniquement à l'aviron)


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